Rencontre avec Adèle Galey, cofondatrice de Ticket for Change.

En un clin d’oeil

La boite

Nom : Ticket for Change
Créée en : 2014

Les Faiseurs

Prénom, nom : Adèle Galey, Matthieu Dardaillon, Joséphine Bouchez, Jonas Guyot
Âge : 30 ans
Études : Ecole de commerce, spécialisation Entrepreneuriat Social (ESSEC)

L’histoire de Ticket for Change commence par un voyage. Celui de Matthieu Dardaillon qui participe à un “Voyage Eveil” en Inde. Le concept est simple et fascinant : un voyage de 15 jours pour rencontrer des entrepreneurs sociaux qui ont su trouver des solutions pour relever les défis de leur pays.

Matthieu revient en France avec l’idée de répliquer le projet et l’envie de mettre en avant ceux qui osent, inventent et entreprennent avec sens. En 2014, l’équipe de Ticket for Change est créée et le Ticket Tour est lancé !

En 4 ans, Ticket for Change est devenu un acteur qui compte dans la formation et l’accompagnement des entrepreneurs du changement.

Dans un monde qui évolue rapidement (voir brutalement), impliquant de forts enjeux environnementaux et sociaux, de plus en plus de personnes souhaitent repenser leur rapport au travail et à la société. Beaucoup d’entre nous veulent agir mais ne savent pas toujours comment.

Avec une énergie dingue et un culot monstre, Matthieu Dardaillon, Joséphine Bouchez, Adèle Galey et Jonas Guyot travaillent d’arrache pied pour que les termes “entreprendre” et “entreprendre socialement” ne fasse plus qu’un.

Forcément, chez Faiseurs de boite, leur travail nous a tapé dans l’oeil et Adèle Galey a pris le temps de tout nous raconter !

Au sommaire

Ticket for Change, le concept

Bonjour Adèle, Ticket for change, c’est quoi exactement ?

Ticket for change c’est une école des innovateurs à impact social de demain.
Pourquoi école ? Nous voulons faire grandir les gens, leur proposer des formations qui leur permettent de gagner en compétences et en confiance en eux pour monter des projets à impact social. Nous proposons des formations qui sont, soit en ligne, soit en présentiel. Nous nous adressons à des individus et des entreprises.

©Ticket For Change

Qui a fondé Ticket for change ? Quelles ont été les grandes étapes du projet ?

Nous sommes quatre cofondateurs. C’est Matthieu Dardaillon qui a eu l’idée et qui est venu nous chercher en 2014.

Nous avons lancé en août 2014, le premier projet itinérant de Ticket for Change : le Ticket Tour. Un tour de 12 jours à travers 5 villes avec l’ambition d’aller sur le terrain voir des initiatives locales, rencontrer ceux qui se bougent partout en France. Le but était de voir ce qui marche pour s’inspirer tout en donnant les bons outils à ceux qui souhaitaient lancer leur projet.

Depuis, notre activité a beaucoup évolué et nous avons élargi notre spectre. Aujourd’hui, le Ticket Tour est intégré au Parcours Entrepreneur, un programme de 6 mois, bien plus complet ! Nous avons aussi développé un programme en ligne avec HEC Paris, un MOOC : “Devenir entrepreneur du changement”. Nous avons monté des ateliers d’inspiration, dans 7 villes en France, lancé nos propres podcasts, ainsi que des programmes dédiés aux entreprises avec toujours l’envie d’activer les talents de ceux qui souhaitent se lancer mais qui ne savent pas par où commencer.

“Nous souhaitons avoir une vraie diversité de profils. Nous accueillons des personnes qui ne savent pas forcément ce qu’est l’entrepreneuriat !”

Quels sont les profils des futurs entrepreneurs ?

Nous avons des profils assez variés. Au départ, nous ciblions les 18-30 ans, tout simplement parce que nous avions 24 ans et que nous nous sentions moins légitimes face à des interlocuteurs de plus de 30 ans.

Nous avons élargi la cible à la demande de beaucoup de candidats de plus de 30 ans, mais notre population est quand même majoritairement assez jeune.

Nous souhaitons avoir une vraie diversité de profils (âge, formation, région, CSP…), leur point commun est qu’ils sont au stade de l’idée de projet entrepreneurial. Beaucoup d’incubateurs accompagnent ceux qui ont déjà un projet bien avancé, avec un business plan, par exemple. Nous, nous accueillons des personnes qui ne savent pas forcément ce qu’est l’entrepreneuriat !

Comment « sélectionnez-vous » ceux que vous accompagnez ?

Les ateliers et le cours en ligne sont ouverts à tous. Pour le Parcours Entrepreneur, il y a des critères de sélection parce que nous avons entre 40 et 50 places par an pour un programme de 6 mois, et plusieurs centaines de candidatures.

Cette sélection est basée sur des critères non discriminants. Nous ne demandons ni notes (scolaires) ni CV. Notre sélection repose sur la motivation de la personne, son envie d’avoir un impact social, de fédérer une équipe autour d’un projet… Ce sont des critères subjectifs mais que nous avons réussi à objectiver avec des enseignants-chercheurs d’HEC.

Nous faisons en sorte que notre sélection représente la diversité de la France. Nous n’accompagnons pas que des jeunes sortant d’école de commerce !

En revanche, pour être admis, il est indispensable que le projet porté ait une dimension sociétale (sociale et/ou environnementale). Certains arrivent avec un projet très business et souhaitent être accompagnés pour donner une dimension sociétale à leur projet, cela fonctionne aussi et c’est très intéressant.

©Ticket For Change

Quelles valeurs souhaitez-vous transmettre à travers Ticket for Change ?

Avec notre équipe, nous avons défini 5 valeurs : entrepreneuriat, audace, enthousiasme, bienveillance et exigence. La bienveillance concerne aussi la bienveillance envers soi-même. La confiance que l’on se porte avant de la porter aux autres.

Que faisiez-vous avant de lancer Ticket for Change ?

Nous avons tous les quatre des parcours relativement similaires et nous n’incarnons pas vraiment cette diversité dont nous parlons, d’où notre obsession pour qu’elle soit réelle dans nos programmes ! Nous venons tous d’école de commerce. Deux d’entre nous ont des expériences professionnelles dans des grands groupes. Pour ma part, j’ai commencé à bosser dès ma sortie d’école aux côtés d’entrepreneurs sociaux. Et nous avons pour point commun d’être tous partis en voyage longue durée pour s’inspirer d’autres innovations, voir ce qui se fait ailleurs.

Comment vous est venue l’idée de créer Ticket for Change ?

Matthieu a participé à un “Voyage Eveil” en Inde : 450 participants et un voyage de 15 jours pour rencontrer des entrepreneurs sociaux qui ont su trouver des solutions aux plus grands défis du pays. Il est revenu avec l’envie de répliquer le projet en France : face à la morosité ambiante, mettons en lumière ceux qui font des choses géniales dans notre pays ! Voilà comment est né Ticket for Change et le Ticket Tour ! Et nous y avons intégré la partie accompagnement de projet.

Comment avez-vous pu financer ce Ticket Tour ?

Par chance, nous avons un partenaire fondateur, ” Entreprendre&+ “, qui est un fonds de dotation dédié au financement de projets à impact. Il nous a permis de nous consacrer à temps plein sur notre projet puisque nous avons pu nous verser un petit salaire dès le départ.

Ce premier financeur et le fait de travailler à temps plein sur le projet, nous a ensuite rendu plus crédibles pour avoir d’autres financements ! Dès le début, nous avons été très ambitieux : nous avons sollicité la Ministre de l’Éducation pour être la marraine, le PDG de Danone, Pierre Rabhi, Thierry Marx… ! Nous avions de grands rêves et cela nous a donné le pouvoir de convaincre ! Nous avons ainsi pu lever 600 000 euros la première année.

Nous sommes aussi peut-être tombés au bon moment. Nous entendons aujourd’hui beaucoup parler d’ innovation sociale, un peu moins à l’époque, mais le besoin était là et nous avons réussi à embarquer des gens avec nous.

©Ticket For Change

La vie d’entrepreneurs

Combien êtes-vous à travailler pour Ticket for Change ?

Ticket for Change, c’est une association loi 1901 et une filiale SAS “Corporate for Change”, qui propose des programmes sur-mesure pour les entreprises, ainsi que des programmes d’intrapreneuriat. 5 salariés y travaillent. Pour Ticket for Change (l’asso) qui s’occupe des programmes gratuits ou quasi gratuits, nous sommes 14 dont 2 stagiaires.

“Ce que l’on aimerait, c’est qu’il n’y ait plus de différence entre entreprendre et entreprendre socialement. Parce qu’en soi, toute entreprise devrait être sociale, sociétale !”

Quelles sont les plus difficultés du quotidien ?

Nous rencontrons des “difficultés” propres à la gestion d’une entreprise : les problématiques liées au management et au financement.

Il est primordiale pour nous de faire en sorte que les salariés soient heureux, investis dans l’entreprise et incarnent les valeurs que l’on défend. Les problématiques managériales et RH sont une priorité. Et puis il y a les financements ! Notre impact social n’existera que si nous avons une pérennité économique, c’est notre recherche au quotidien ! Nous essayons de fonctionner avec des modèles hybrides de financement (mécénat, une partie des bénéfices de la SAS reversés à l’asso…).

Entreprendre : qu’est-ce que cela signifie pour toi ?

Pour nous, entreprendre, c’est créer un projet pérenne qui a une finalité sociale.

Ce que l’on aimerait, c’est qu’il n’y ait justement plus de différence entre entreprendre et entreprendre socialement. Parce qu’en soi, toute entreprise devrait être sociale, sociétale ! Nous sommes persuadés que les gens peuvent faire du business tout en créant du sens. Les exemples sont nombreux. Heureusement, les mentalités changent doucement.

©Ticket For Change

Un conseil à donner à quelqu’un qui souhaite se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?

Ne jamais se dire que nous ne sommes pas légitimes. Une légitimité, cela se construit ! Nous étions 4 jeunes de 24 ans sans expérience de l’entrepreneuriat et nous avons décidé de monter un programme d’accompagnement à l’entrepreneuriat : tout est possible ! Les choses s’apprennent à travers les rencontres, en faisant, en se trompant… Et puis, pour reprendre Pierre Rabhi : ne jamais se trouver trop petit et inutile. Chacun a sa juste place et peut avoir un impact, même auprès d’une seule personne.

Un livre, un film, un TedX qui vous inspirent et vous portent ?

Récemment, c’est le film de Judith Grumbach “Une idée folle”, qui présente des initiatives alternatives d’éducation un peu partout en France. C’est génial de voir que les choses changent et que l’éducation, l’école, peuvent être de vrais vecteurs d’épanouissement et d’apprentissage. C’est exactement ce que l’on essaye de faire avec Ticket for Change, mais en utilisant l’entrepreneuriat comme outil.

Si c’était à refaire ?

Un des messages que l’on porte est que l’échec et les galères sont bons si l’on en tire les apprentissages qui nous font grandir. Donc je pense que je referais tout exactement de la même manière !

À ce propos, nous avons sorti le podcast « Vecus », qui aborde les galères des entrepreneurs.

Un rêve un peu fou ?

Que l’école intègre la dimension d’utilité sociale et que les critères de réussite soient différents ! Je viens de recevoir mon questionnaire d’ancienne diplômée et on me demande mon salaire. C’est le critère de réussite aujourd’hui et j’aimerais bien que ce critère change. Si le salaire pouvait être indexé sur l’impact social, ce serait super !

©Ticket For Change

Que voulais-tu faire petite ?

Avoir un cirque ! Mais seulement avec des éléphants pour pouvoir les sauver !

Crédit photos : Ticket for Change