Rencontre avec Anne-Marie Gabelica, créatrice de la marque de cosmétiques Oolution.

En un clin d’oeil

La boite

Nom : Oolution
Activité : Création et vente de produits cosmétiques naturels, bio et vegan
Siège : Le Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne)
Statut : SARL
Créée en : 2010

Les Faiseurs

Nom, prénom : Anne-Marie Gabelica
Âge : 38 ans
Originaire de : Le Perreux-sur-Marne
Études : Biochimie, ingénierie agronomie

Quitter son poste de cadre et créer sa propre marque de cosmétiques. C’est ce qu’a réalisé Anne-Marie Gabelica en 2010. Écœurée par l’industrie cosmétique dans laquelle elle travaillait en tant qu’ingénieure-biochimiste, Anne-Marie décide alors de tourner le dos à celle-ci et se donne comme mission d’alerter la population sur les ingrédients utilisés dans les cosmétiques. Des ingrédients à la fois dangereux pour la peau et l’environnement (joie).

« Une entrepreneure militante et citoyenne », c’est ainsi qu’Anne-Marie se désigne. Car Oolution, ce n’est pas qu’une marque de produits cosmétiques bio, vegan et 100% naturels. C’est surtout une entreprise exigeante dans ses moindres choix, innovante par ses formules, et déterminée à améliorer le monde dans lequel on vit. Bref, tout ce qu’on aime chez Faiseurs de Boite.

Avec Anne Marie, on a parlé de l’histoire d’Oolution, de la spécificité de ses produits et formules, mais surtout, d’écologie, de son engagement pour la promotion de la biodiversité, de la déforestation en Malaisie au profit de l’huile de palme …

On vous prévient, vous ne verrez plus jamais vos cosmétiques de la même manière !

Au sommaire

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Quitter son job et créer sa marque de cosmétiques

Quand as-tu créé Oolution ? Que faisais-tu à ce moment-là ?

Tout a commencé il y a 7 ans, en 2010. J’étais alors jeune cadre dynamique dans un géant des cosmétiques mondial. J’ai décidé de tout quitter pour créer ma propre marque de cosmétiques, vivre de ma passion, et surtout, mettre en action toutes les valeurs qui me sont chères.

En quoi tu ne te retrouvais-tu pas dans le boulot que faisais avant ?

Je me suis rendu compte que l’industrie pour laquelle je travaillais ne correspondait pas à mes valeurs sur plusieurs points.

Premièrement, beaucoup de grandes marques se targuent de vendre des produits « naturels » alors qu’en réalité, les ingrédients naturels représentent une partie extrêmement négligeable des formules, ce qui est assez inquiétant.

Ensuite, lorsqu’elles vendent un produit, ces grandes marques parlent souvent d’un actif  « miraculeux » dont les propriétés résoudraient tous les problèmes et correspondraient à toutes les peaux. Or, c’est totalement contradictoire à la réalité de la peau. En tant qu’ingénieure-biochimiste, je connais bien la peau qui un organe très complexe. Chaque individu a une peau complètement différente et un seul et même actif ne peut répondre à tous les types de peau.

Ma démarche est au contraire de promouvoir la diversité pour la peau en proposant des produits composés de nombreux actifs pour que chaque peau puisse être prise en compte de manière individuelle. En fait, c’est un peu comme l’alimentation. Manger sain et équilibré, c’est manger de tout pour que chaque jour le corps pioche ce dont il a besoin.

Le dernier point qui m’a permis de sauter le pas, c’est la problématique de l’huile de palme qui représente une véritable menace sur la biodiversité mondiale. Je pensais qu’elle était utilisée uniquement dans le secteur alimentaire. Or, j’ai appris qu’elle était également utilisée dans les cosmétiques sous forme de dérivés.

Créer ta boite, c’est une envie que tu as toujours eue au fond de toi ?

Oui, complètement. Adolescente déjà, je savais que j’allais créer une marque de cosmétiques … entre autres ! En fait, j’ai toujours adoré l’idée de pouvoir créer des choses. Je n’ai jamais aimé me sentir comme un rouage au sein d’une entreprise. J’aime être dans l’action et mettre en application mes idées.

Et puis, j’ai toujours voulu faire de l’entrepreneuriat de manière militante et citoyenne : changer l’industrie cosmétique, faire évoluer les choses, c’est tout simplement ce qui donne du sens à ma vie.

“Même s’il y a eu des périodes de traversée du désert, je me suis accrochée et j’ai cru en mon rêve.”

Comment s’est passée la transition entre la démission de ton poste de cadre et la création d’ Oolution ?

J’ai quitté mon poste le 7 avril 2010. Le lendemain, je commençais à bosser sur Oolution. Tout a été très rapide. Mais puisque je voulais des produits innovants, sans huile de palme ni aucun dérivé, 100% naturels, etc. la période de recherche et développement a duré 3 ans.

Cette période de recherche et développement, comment l’as-tu vécue justement ?

Il faut vraiment avoir la foi, car 3 ans de R&D, sans revenu, et dans l’incertitude, c’est long ! J’ai vécu de longs moments de solitude et de doutes. Je me suis demandé plusieurs fois si j’allais y arriver. D’autant plus que j’ai financé les recherches en laboratoire avec mes propres économies.

Au départ, on me disait que fabriquer des cosmétiques sans aucun dérivé d’huile de palme serait impossible. On m’a prise pour une fille un peu idéaliste, voire perchée, mais j’ai tenu tête !

Même s’il y a eu des périodes de traversée du désert, je me suis accrochée et j’ai cru en mon rêve.

Tu as financé les premières recherches seule, mais as-tu trouvé des soutiens par la suite ?

Oui, j’ai été soutenue par le Réseau Entreprendre qui m’a accordé des prêts, par la Banque Publique d’Investissement, et d’autres organismes. Pas mal de personnes se sont greffées au projet dans la mesure où l’on apportait une vraie innovation dans nos formules. Notre éthique nous a permis aussi de nous différencier : aucun de nos produits n’est testé sur les animaux, nos cosmétiques sont vegans, bio et entièrement naturels.

Outre cette période de R&D que tu as trouvé interminable, as-tu été confrontée à d’autres difficultés ?

La R&D est vraiment la période qui m’a le plus marquée, car cela a été très long et j’étais seule.

Sinon, les difficultés sont quotidiennes, sans vouloir être déprimante. Créer son entreprise, c’est vraiment un marathon. Parfois, tu vis d’excellents moments, et dans l’heure qui suit, une mauvaise nouvelle arrive !

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L’équipe d’Oolution au salon Veggie World

Du coup, être entrepreneur, c’est vivre un ascenseur émotionnel en permanence ?

C’est ça ! Et moi qui suis assez sensible, ça a été compliqué parfois de jongler entre bonnes et mauvaises nouvelles ! Tu ne dors pas, tu stresses … Mais avec le temps, j’ai appris à prendre du recul et d’y aller petit à petit, un jour après l’autre. Quand ça ne va pas trop, il faut décrocher du boulot, aller voir ses amis, parler d’autre chose que de sa boite, se changer les idées… pour mieux réattaquer le lendemain.

En matière de ventes, est-ce que vous êtes à la hauteur des objectifs que tu t’es fixés ?

Non, mais j’en vis et j’ai pu créer des emplois. Certes, on ne se développe pas aussi rapidement que les marques qui misent tout sur le marketing, mais en attendant on respecte nos valeurs et on est cohérent avec notre éthique. L’entreprise se développe beaucoup grâce au bouche-à-oreille, et cela me convient très bien ainsi. J’aimerais bien évidemment qu’on soit plus grand, car la peau des gens mérite nos produits dans la mesure où ils la respectent.

Dans tous les cas, il ne faut pas devenir entrepreneur pour gagner de l’argent !

Tu as commencé toute seule. Désormais, combien de personnes travaillent chez Oolution ?

Nous sommes sept. Les postes concernent le digital, le service client, l’expédition des commandes, ainsi que la gestion de nos ventes en réunion. On a choisi de faire de la vente en réunion, car on trouvait ça super sympa comme format. En réunion, on peut avoir une approche très pédagogique ce qui est pour nous très important.

“La mission que je me suis donnée avec Oolution, c’est d’alerter sur les ingrédients utilisés dans les cosmétiques qui sont à la fois néfastes pour la santé et l’environnement.”

Concept et produits

Cette approche pédagogique est très présente sur votre site, à travers votre blog notamment. Pourquoi mettre un point d’honneur à cette transmission d’informations ?

Effectivement, notre blog est très alimenté en articles, infographies, etc. Qu’il s’agisse des ventes en réunion ou du blog, on essaie de véhiculer des messages pour permettre à chacun de faire ses choix en connaissance de cause. Par exemple, j’étais l’une des premières à parler des perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques en 2014. C’était un sujet auquel j’étais confrontée en tant que biochimiste. À l’époque, personne n’en parlait.

La mission que je me suis donnée avec Oolution, c’est d’alerter sur les ingrédients utilisés dans les cosmétiques qui sont à la fois néfastes pour la santé et l’environnement.

Où sont fabriqués les produits ?

Ils sont fabriqués en Provence. Nos ingrédients sont issus de l’agriculture biologique française, toutes nos plantes sont bio et toutes nos formules sont 100% naturelles.

Qu’est ce que l’on ne trouve pas dans les cosmétiques Oolution ?

Notre charte de formulation est plus exigeante que la charte bio. On est 100% d’origine naturelle, tandis que le bio n’exige « que » 95% minimum d’origine naturelle. Nos produits ne contiennent pas d’huile de palme, mais surtout aucun dérivé. Autre chose que l’on ne trouve pas dans nos cosmétiques : les huiles hydrogénées qui sont des huiles bas de gamme que les industriels utilisent beaucoup. Et en détergeant, on n’utilise pas de sulfate.

Est-ce que les engagements d’Oolution représentent de réelles contraintes ?

Oui, nos engagements représentent des contraintes dans la mesure où notre charte est intransigeante. Beaucoup de nos matières premières sont naturelles, ce qui rend nos approvisionnements plus incertains. Mais dans le même temps, c’est le prix à payer pour obtenir des produits différents, exigeants, sains et aux formules uniques. Cette intransigeance nous permet d’innover et de nous démarquer.

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Éco-responsabilité et écologie

En quoi Oolution est une entreprise écoresponsable ? Quelle en est ta définition ?

Avant même de créer les cosmétiques, je suis allée voir l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, NDLR) pour être sûre que tous mes choix répondent le mieux à mes objectifs en matière d’amélioration écologique. Avec des ingénieurs, on a réalisé une étude d’écoconception : il s’agissait d’évaluer en amont notre impact sur l’environnement à tous les niveaux, selon différents scénarios (packaging, culture des ingrédients, transports, etc.).

Pour moi, être écoresponsable, ce n’est pas juste une étiquette. C’est un véritable engagement, et c’est même la raison pour laquelle Oolution existe. On cherche constamment à intégrer la réflexion environnementale dans tous nos choix et on l’envisage comme un vecteur de progrès et d’innovation.

Dans cette logique, notre volonté est d’être la première marque de cosmétique à lutter contre la déforestation massive en Asie du Sud-est. J’ai eu l’occasion de traverser la Malaisie en sac à dos et la situation est catastrophique.

“Certaines marques font preuve d’une énorme hypocrisie en créant des fondations qui luttent pour la biodiversité tout en fabriquant des shampooings contenant des dérivés d’huile de palme.”

Tu peux nous en dire plus sur ce voyage en Malaisie ? Tu l’as réalisé avant de créer Oolution ?

C’était au tout début de la création d’Oolution. Je savais que la situation était grave et j’avais envie d’y aller pour voir cela de mes propres yeux.  Je ne suis partie qu’une quinzaine de jours et j’ai été bouleversée par la déforestation due aux plantations de palmiers à huile. Ce sont des dizaines de terrains de football défrichés à la minute. En rentrant, j’étais motivée comme jamais à l’idée de militer pour des alternatives à l’huile de palme. Le fait que les industries dépendent de l’huile de palme provoque des catastrophes économiques et écologiques sans nom. C’est pour ça que je milite pour la biodiversité.

Est-ce que tu constates des changements positifs de la part des grandes marques de cosmétiques, ou est-ce uniquement du green washing ?

C’est clairement du green washing, je suis très catégorique là-dessus. S’il y a des efforts, ceux-ci  ne sont pas à la hauteur des enjeux monumentaux auxquels on est confronté. Certaines marques font également preuve d’une énorme hypocrisie en créant des fondations qui luttent pour la biodiversité tout en fabriquant des shampooings contenant des dérivés d’huile de palme.

Tant sur le plan sanitaire qu’éthique, l’industrie cosmétique doit évoluer fortement. Faire sa révolution, je dirais même. Et j’espère qu’Oolution va y contribuer.

Es-tu plutôt positive ou négative quant à l’avenir de l’industrie cosmétique ?

Ni positive ni négative. Je ne crois pas aux changements dans les grandes marques, puisqu’il faudrait tout revoir en profondeur.

Je crois plus au pouvoir de l’opinion publique. De plus en plus de gens s’informent, sont sensibilisés, en ont marre d’être pris pour des idiots et demandent des comptes aux grandes entreprises. Et ça, c’est positif.

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Bonus de Boite

Tu es chroniqueuse beauté dans l’émission La Quotidienne sur France 5. Est-ce que cette chronique a été un levier en matière de visibilité pour Oolution ?

Je me pose souvent la question. Dans tous les cas, je ne fais jamais de placement de produits et je ne parle jamais d’Oolution à l’antenne.

L’émission me permet surtout de communiquer avec toute mon expertise autour de la cosmétique, de délivrer des conseils de qualité, des astuces DIY, des bons plans pour faire des économies, etc. Je ne suis pas du tout dans une approche consumériste.

Quel est le produit star d’Oolution ?

Pour le moment, c’est notre soin hydratant Glow up qui a un succès incroyable !

Des nouveautés à venir ?

On a lancé l’été dernier des produits nettoyants pour le visage sans sulfate, ce qui est très innovant. C’est un produit qui nous a beaucoup été demandé de la part de nos clientes, car elles souhaitaient compléter leur routine beauté à base de produits naturels.

Une anecdote à nous raconter ?

Lorsque le ministre de l’Écologie Philippe Martin m’a remis un prix en 2013. Je ne m’y attendais pas du tout. J’étais super heureuse ! Si tu m’avais dit un jour que je recevrais un prix au Ministère de l’Écologie, je n’y aurais jamais cru.

L’autre anecdote, c’est la proposition de faire une chronique hebdomadaire sur France 5. J’avais été invitée une fois pour parler des cosmétiques bio. Suite à ça, Thomas, le présentateur, m’a appelée un jour pour me dire : « Est-ce que tu aimerais venir toutes les semaines ? »  J’ai cru que c’était une blague !

Ton rêve le plus fou ?

Qu’on reformule tous les produits de l’industrie cosmétique, car je pense qu’environ 99.99% des produits sur le marché ne méritent pas d’être sur la peau. Il faudrait enlever de ces formules tous les ingrédients néfastes pour la santé et l’environnement.

Si tu n’avais pas créé Oolution, qu’aurais-tu fait ?

Je serais partie à Bornéo dans une ONG qui sauve des oran-outangs. Je me suis vraiment posé la question avant de créer Oolution. Peut-être que je m’investirais dans une ONG plus tard !

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Crédits photos : Oolution