Derrière Mamie Régale se cachent deux jeunes entrepreneures audacieuses, Kylia et Coline.

Lancée en juin 2015 par Kylia et Coline, Mamie Régale est une plateforme de mise en relation de retraités passionnés de cuisine et de salariés souhaitant se faire livrer de bons petits plats lors du déjeuner.

En faisant appel à des retraités, les deux jeunes entrepreneures ont pour objectif de lutter contre l’isolement des seniors.

Inspiré de Blablacar et de La Ruche qui dit Oui, le projet d’économie sociale et solidaire de Kylia et Coline opère pour le moment dans la région Toulousaine. Mais ces deux passionnées de cuisine n’entendent pas s’arrêter là et comptent bien développer leur réseau partout en France.

Alors que Kylia a plaqué son job pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, Coline est retournée vivre chez ses parents pour faire des économies. Difficultés, projets et inspirations, Kylia et Coline nous racontent à quoi ressemble leur vie de jeunes entrepreneures !

Bonjour Kylia et Coline. Mamie Régale, c’est quoi ?

Coline : Mamie Régale, c’est simple : c’est un service de mise en relations entre particuliers dans le cadre de la livraison de repas en entreprises à l’heure du déjeuner. L’idée, c’est de mettre en relation des personnes retraitées qui aiment cuisiner et que l’on appelle les « mamies », avec des salariés qui n’ont pas le temps de se faire à manger le midi.

Comment l’idée est-elle venue ? Et pourquoi s’être tourné vers ces publics (les retraités et les entreprises) ?

Kylia : L’idée est venue de Coline. Elle est partie du constat que beaucoup d’employés déjeunaient au bureau sur le pouce et elle s’est demandé ce qu’elle aimerait manger idéalement le midi durant sa pause. Elle a pensé immédiatement aux plats que l’on peut manger le dimanche chez sa grand-mère : des repas de qualité et savoureux. Faire appel à un public senior pour l’élaboration des repas était l’occasion de valoriser ce public par leur travail ainsi que par la mise en relation avec d’autres personnes.

Quand a commencé l’aventure Mamie Régale ?

Kylia : Coline a commencé à travailler sur le projet en janvier 2015, et Mamie Régale a été lancé officiellement en juin 2015.

“Je me suis interrogée sur ce que j’avais vraiment envie de faire dans la vie […] J’étais dans le secteur bancaire, mais ce travail manquait de sens pour moi.”

Que faisiez-vous avant de vous lancer dans ce projet d’entrepreneuriat ?

Coline : j’étais et je suis toujours graphiste freelance. Cela me permet de dégager un revenu pour vivre en parallèle de Mamie Régale.

Kylia : pour ma part, à l’origine, j’étais stratège en communication marketing et je travaillais pour de grands groupes comme la FNAC, ou le Crédit Agricole.

Quel a été le déclic pour quitter ton poste en entreprise, Kylia ?

Kylia : Je me suis interrogée sur ce que j’avais vraiment envie de faire dans la vie, et ce que je pourrais dire si je devais faire le bilan de ma vie professionnelle… J’étais alors dans le secteur bancaire, j’avais certes mon confort de vie, mais ce travail manquait de sens pour moi. J’ai voulu me lancer dans cette aventure parce que Mamie Régale correspondait plus à mes valeurs.

Êtes-vous passionnées de cuisine pour avoir créé Mamie Régale ?

Coline : Oui, tout à fait. J’ai eu l’occasion de faire un tour du monde culinaire donc forcément, j’ai une vraie appétence pour tout ce qui relève de la restauration ou de la gastronomie. J’ai également de la famille dans le milieu de la restauration.

Kylia : Moi aussi, j’adore manger de bonnes choses ! En revanche, je ne suis pas cuisinière contrairement à Coline. Pour ma part, ce serait plus la dimension sociale du projet qui me passionne. J’ai participé à l’animation du MOOC « Devenir entrepreneur du changement » développé par HEC Paris et Ticket for Change. Alors que j’étais coordinatrice régionale, j’ai pu rencontrer beaucoup de personnes qui gravitent autour de l’économie sociale et solidaire. C’est une économie qui m’a de suite accrochée et donc ça me tenait à cœur de me lancer dans une aventure telle que Mamie Régale.

Vous parlez de « mamies », mais est-ce qu’il y a aussi des hommes ?

Coline : Oui ! Par exemple, on a papy Marc qui est boulanger-pâtissier. On n’est pas sexiste chez Mamie Régale ! Les hommes sont les bienvenus, avec plaisir. C’est juste que pour notre nom d’entreprise, « retraité régale » ne sonnait pas terrible.

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Comment sont sélectionnés les mamies et les papys ?

Coline : Nous procédons à une sélection en trois étapes : premièrement, ils répondent à un questionnaire que l’on a réalisé avec une psychologue-gérontologue. Ensuite on leur demande de réaliser trois recettes (une recette à base de viande, une autre à base de poisson et une dernière végétarienne). Ils doivent également cuisiner des desserts.

Kylia : Après, on fait tester les plats par un Toqué qui gère le recrutement des « mamies » et gèrent les « Cantines ». Ce sont des autoentrepreneurs qui sont sélectionnés par Mamie Régale pour créer des partenariats avec des producteurs locaux, distribuer les plats dans les Cantines, etc. C’est seulement lorsque le Toqué a goûté et validé les plats que ceux-ci peuvent être commercialisés. Pas avant.

Qu’est ce que vous appelez les « Cantines » ?

Coline : Ce sont des zones géographiques sur lesquelles on va livrer les repas. Une Cantine représente 50 plats : soit c’est une entreprise qui réunit à elle seule ces 50 plats, soit il s’agit d’une zone d’activités sur laquelle il y a plusieurs entreprises.

“Le propre de l’entrepreneur, c’est de faire des difficultés qui jalonnent son parcours des forces au service du projet.”

Quel est le modèle économique de Mamie Régale ?

Kylia : Nous avons mis en place une formule « plat et dessert » à 12 euros. 4 euros reviennent aux mamies, 3 euros vont au toquet, 3 euros rentabilisent la matière première et 1 euro revient à Mamie Régale. Il reste environ 1 euro pour tout ce qui relève de la TVA, du packaging, etc.

Mamie Régale a pour but de devenir un réseau. Pour le moment, quelles villes en font partie ?

Kylia : Pour le moment, Mamie Régale opère uniquement dans la région toulousaine, mais nous avons plus de 200 personnes qui nous ont contactées de toute la France pour devenir des « Mamie Régale » ! Notre modèle économique est un modèle économique de masse et nous avons pour but d’être présents partout en France.

En fait, on s’est inspirées de deux exemples : Blablacar pour la mise en relation entre particuliers, et La Ruche Qui Dit Oui qui fait appel à des autoentrepreneurs pour animer une « Ruche ». Chez Mamie Régale, ces autoentrepreneurs sont des Toqués et les « Ruches » sont les « Cantines ».

Avez-vous rencontré des difficultés ?

Coline : Oui, il y en a eu plein et il y en a toujours ! Le propre de l’entrepreneur c’est de toujours faire des difficultés qui jalonnent son parcours des forces au service du projet.

Par exemple, trouver des mamies et des Toqué. Au-delà de ça, les difficultés qu’on a rencontrées concernent la création d’entreprise. Il faut tester des hypothèses sur le terrain, les corriger, les ajuster, etc. Au début, on s’est dit qu’on allait trouver plein de mamies, mais cela n’a pas été si facile ! C’est pour ça que nous nous sommes tournées vers une psychologue-gérontologue qui nous a permis de mettre en place les trois étapes de sélection. C’est sur le tas qu’on apprend.

Kylia : Et puis, il y a les difficultés liées à la vie d’entrepreneur : ne pas avoir d’horaires, vivre avec peu d’argent. Par exemple, Coline est retournée vivre chez ses parents. C’est la fatigue aussi. Il faut savoir gérer son temps. Parfois, c’est un marathon, parfois un sprint, parfois les deux en même temps ! Et puis, il faut savoir tout faire. Car quand tu es entrepreneur, tu as l’impression qu’il faut savoir faire tous les métiers, ce n’est pas comme quand tu es salarié dans une entreprise.

Qu’est ce que ça vous apporte ?

Coline : Le fait de travailler pour soi, c’est super valorisant, notamment sur un projet social comme le nôtre. C’est aussi génial de voir que les hypothèses que l’on avait émises marchent sur le terrain. Les mamies sortent de l’isolement en rencontrant d’autres personnes.

Kylia : c’est super de bosser sur un projet dans lequel tu te reconnais, qui te plaît et qui colle à tes valeurs. On a fait des choix assez radicaux dans le sens où moi j’ai démissionné et on s’est mise en situation de risques. Aujourd’hui, on ne regrette rien, et on apprend tous les jours. Il n’y a pas un jour où l’on n’apprend pas quelque chose. Parfois, quand tu travailles en tant que salarié, tu fais toujours la même chose, et tu finis par ne plus rien apprendre…

En tous cas, même si Mamie Régale venait à disparaître dans un mois, un an, ou autre, on ne regrettera rien !

“Il faut avoir des rêves quand on est entrepreneur !”

Des conseils à donner à ceux qui hésitent à se lancer ?

Kylia : Entourez-vous bien. Et suivez la petite voix qui est en vous pour savoir ce dont vous avez réellement envie. Si on pose les pour et les contre avant de se lancer, et bien, on ne se lancera jamais ! Et au pire, si on se rate, ce sera une expérience de plus.

Coline : Il faut faire des choix de vie qui collent à ses valeurs et se donner les moyens de réaliser ce qu’on a vraiment envie de faire dans la vie !

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Une anecdote ?

Kylia : quand Coline m’a contactée pour le projet, car elle était à la recherche d’une seconde personne pour la rejoindre dans l’aventure, je lui aie dit non. Mais ça n’a pas duré longtemps, car deux jours après, je l’ai rappelé et on ne s’est jamais quittées. On aime bien faire tout ensemble, un peu comme Michel et Augustin. En fait, on est un peu des Micheline et Augustine.

Un rêve un peu fou ?

Coline : On en a plein ! On s’est même fait une liste. Par exemple : recruter une mamie centenaire, avoir un million de mamies dans notre réseau, faire un goûter des mamies à l’Élysée, être implanté à l’international …
Il faut avoir des rêves quand on est entrepreneur !

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Crédits photo : Mamie Régale / Cygne Noir / Shannon Aouatah / Alexandre Ollier