Rencontre avec Sébastien, cofondateur des Cuistots Migrateurs.

En un clin d’oeil

La boite

Nom : Les Cuistots Migrateurs
Créée en : 2016

Les Faiseurs

Prénom, nom : Sébastien Prunier, Louis Jacquot
Âge : 30 ans
Études : Ecole de commerce et CAP Cuisine

Passionnés de cuisine et portés par l’envie de créer une entreprise solidaire, Louis et Sébastien ont créé, il y a deux ans, Les Cuistots Migrateurs. Ce service de traiteur singulier fait voyager nos papilles à travers une cuisine du monde, concoctée par des réfugiés.

Après une première expérience dans le monde des start-up pour Louis et dans la finance internationale pour Sébastien, les deux entrepreneurs de 30 ans ont voulu se rendre plus utiles pour la société. Touchés par la crise migratoire, ils ont souhaité prendre le contre-pied d’un discours souvent négatif à l’égard des réfugiés et changer le regard des gens sur les migrants.

Avec une équipe de 5 cuisiniers réfugiés de Syrie, Iran, Tchétchénie, Ethiopie et Népal, encadrés par un chef américain reconnu, les Cuistots Migrateurs propose plus de 150 recettes authentiques, très souvent méconnus et inédites !

Nous avons rencontré Sébastien. Il nous raconte les aventures de leurs fourneaux engagés, les difficultés d’hier et les projets de demain !

Au sommaire

Les Cuistots migrateurs, le concept

Les Cuistots migrateurs, c’est quoi exactement ?

Les Cuistots Migrateurs est un traiteur de cuisine du monde solidaire et innovant : nous employons des cuisiniers réfugiés qui préparent des plats de leur pays. Ces cuisiniers sont en France depuis peu, ont leur papier et sont ambassadeurs de leur culture qu’ils ont à cœur de partager avec le plus grand nombre.

Avec une équipe de 5 cuisiniers réfugiés de Syrie, Iran, Tchétchénie, Ethiopie et Népal, encadrés par un chef américain reconnu, nous avons établi un catalogue de plus de 150 recettes authentiques et familiales que nous proposons en cocktails, repas, lunchbags pour 5 à 1500 personnes, et lors d’événements street food auxquels nous participons ponctuellement. N’hésitez pas à nous appeler pour vos événements !

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Une partie de l’équipe dont Faaeq et Rashid, les chefs syrien et iranien.

Comment vous est venue l’idée de créer Les Cuistots migrateurs ?

Avec mon associé, Louis, nous voulions tous les deux changer de métier pour porter un projet qui ait un impact sociétal positif. C’était en 2016, la période pendant laquelle les médias commençaient à parler de la « crise migratoire » avec un discours souvent très négatif voire menaçant. Nous avons donc eu l’idée de créer un projet qui montrerait au contraire que ces personnes qui fuient leur pays ont aussi des choses à nous apporter, avec leurs talents, leurs savoir-faire et une richesse culturelle qui ne demande qu’à être valorisée.

Louis et moi avons beaucoup voyagé et adorons découvrir de nouvelles cuisines. Créer ce projet est donc apparu comme une évidence pour nous, un moyen d’allier notre passion pour la cuisine du monde et notre envie de répondre à un enjeu social très important.

“Nous voulons prouver que l’intégration des réfugiés dans la société française est possible et surtout souhaitable.”

Quelles valeurs défendez-vous à travers Les Cuistots migrateurs ?

Nous souhaitons apporter un regard positif sur les réfugiés et la migration en général. A travers la cuisine, nous voulons encourager l’ouverture à l’autre et la découverte de nouvelle cultures, de nouveaux plats et de nouvelles saveurs.

Nous voulons aussi prouver que l’intégration des réfugiés dans la société française est possible et surtout souhaitable. Nos cuisiniers sont tous employés en CDI et ils pratiquent le français tous les jours en cuisine, ils progressent très rapidement et il y a une super ambiance dans l’équipe.

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“Dans la food, on peut commencer sans trop d’investissements, avec un maximum de charges variables. C’est après que ça se complique !”

Quelles ont été les étapes du projet ?

Avant de lancer notre activité traiteur, nous avons d’abord commencé par tenir un stand de street-food au Petit Bain (une péniche parisienne) pendant 5 mois en 2016. Nous proposions des brunchs et diners syriens, iraniens et tchétchènes et les retours que nous avons eus, tous très positifs, nous ont donné envie d’aller plus loin. A partir d’octobre 2016 nous nous sommes donc décidés à développer notre activité traiteur en embauchant de nouveaux cuisiniers et en nous installant dans des cuisines professionnelles à Vincennes. Et c’est depuis un grand succès !

Comment avez-vous financé Les Cuistots migrateurs ?

Nous n’avions pas d’argent et nous ne voulions pas dépendre des subventions publiques, alors nous nous sommes développés en vendant nos produits peu à peu, en auto-financement. Dans la food, on peut commencer sans trop d’investissement, avec un maximum de charges variables. C’est après que ça se complique !

Il a fallu beaucoup travailler et faire des sacrifices personnels, nous ne nous sommes par exemple pas versés de salaire pendant quasiment 2 ans. De plus, nous avons réalisé une campagne de crowdfunding début 2017 et grâce à plus de 550 contributeurs, que je remercie d’ailleurs une nouvelle fois, nous avons pu réunir la somme importante de 25 000€.

Comment rencontrez-vous et choisissez-vous les cuistots ?

Nous sommes en lien avec des associations comme France Terre d’Asile. Ils nous envoient des candidatures et nous rencontrons les candidats en cuisine si leur profil est intéressant. Beaucoup de personnes nous contactent également via notre site ou nos réseaux sociaux. Nous ne cherchons pas nécessairement des cuisiniers expérimentés mais des personnes motivées, avec l’envie de progresser et de faire découvrir leurs recettes et leur culture.

Quels sont leur parcours, leur profil ?

Nos cuistots ont chacun des parcours très différents mais sont tous en France depuis au moins deux ans. Mis à part notre chef iranien Rashid, ils n’avaient pas une grande expérience professionnelle en cuisine avant de nous rejoindre mais ils sont tous très talentueux, passionnés de cuisine et ont fait des progrès énormes depuis leur arrivée.

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La vie d’entrepreneurs

Existent-ils des personnes ou entreprises qui vous ont inspirées ?

Je pense à Jacques Attali pour ses prises de parole en faveur de l’intégration des réfugiés par les compétences et de l’ouverture de nos frontières lors du Forum de l’Economie Positive en 2016 auquel j’ai eu la chance de participer. Cela m’a aidé à concevoir le modèle des Cuistots Migrateurs. Je me suis aussi appuyé sur le MOOC « Entrepreneur du changement » de HEC, et le magazine Socialter que j’ai dévoré tous les mois !

Qui sont vos clients et comment vous êtes-vous fait connaitre ?

Nous avons des clients très divers : des grandes entreprises (BNP Paribas, Bouygues, …), des institutions (OCDE, UNESCO, …), des particuliers, des start-up, des associations, et quelques fondations.

Nous nous faisons connaître principalement grâce au bouche-à-oreille. Nous mettons beaucoup d’énergie dans notre travail pour être fiers de nos recettes et travaillons à partir de produits frais, cela doit se ressentir… en tout cas, nos clients reviennent nous voir et n’hésitent pas à nous recommander !

“Les entreprises peuvent et surtout doivent avoir un rôle dans la résolution d’enjeux sociaux actuels. Nous ne pouvons pas tout attendre de l’Etat sans tenter d’inventer nous aussi des solutions innovantes.”

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Nous avons besoin de plus de moyens pour nous développer et investir dans notre propre cuisine pour suivre la demande croissante. Pour cela, nous participons au concours de la Fabrique Aviva pour lequel nous avons besoin de récolter le plus de votes possible !

Quelle est votre définition de l’entrepreneuriat social et solidaire ?

C’est une manière de prouver que les entreprises peuvent et surtout doivent avoir un rôle dans la résolution d’enjeux sociaux actuels. Nous ne pouvons pas tout attendre de l’Etat sans tenter d’inventer nous aussi des solutions innovantes qui répondent à ces problématiques.

Le travail, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Aimer ce que l’on fait et savoir pourquoi on le fait !

Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise migratoire en France ?

C’est un sujet très compliqué et il n’y a pas de réponse évidente. Avec Les Cuistots Migrateurs, nous avons fait le choix de ne pas porter de discours militant ou critique. Nous avons créé ce projet pour tenter d’apporter notre contribution et faire bouger les lignes à notre échelle.

Cuisine et solidarité

Quand vous êtes-vous sentis concernés par la crise migratoire ?

C’est venu peu à peu… Quelques moments forts : nous nous sommes rendus à Calais pour constater la situation dont nous entendions parler par les médias. Nous sommes aussi allés dans des CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile) de France Terre d’Asile à la rencontre de travailleurs sociaux et de demandeurs d’asile.

La cuisine, qu’est-ce que cela représente pour vous ? Quelle place a-t-elle dans votre vie ?

Ce que j’adore dans la cuisine, c’est qu’elle est faite de découvertes et de récits personnels. Il y a une joie simple dans la cuisine, et cela peut parler à tout le monde, parfois même sans langage commun. Ma mère et mes grand-mères ont toujours beaucoup cuisiné. Je pense que ce goût pour la cuisine vient de mon enfance.

Andy, chef américain et Louis aux côtés de Sarah, Rachid, les chefs éthiopien et iranien.

A quoi ressemble le lieu de restauration idéal ?

Une bienveillance de chaque instant, une exigence de qualité, de la créativité, de l’humain.

Si vous aviez un conseil à donner à ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?

Il y a le temps de la réflexion qui ne doit pas être trop long, puis il faut foncer. Essayer, réitérer, améliorer, prendre du recul sur le modèle, s’entourer…

Si c’était à refaire ?

Je serais sans doute plus calme et plus serein.

Quels sont vos projets avec Les Cuistots migrateurs ?

Nous réfléchissons à l’ouverture d’un lieu ouvert au grand public où nos cuistots pourraient être présents pour cuisiner et présenter leurs spécialités. C’est une demande forte des personnes qui nous suivent et c’est pour nous un projet très enthousiasmant.

Crédit photos : Les Cuistots migrateurs