Florent et Antoine ont créé le journal Le Drenche. Interview de deux jeunes entrepreneurs de presse.

En ces temps d’indignation, de colère et de Nuit debout, l’heure est aux débats !

Mais pour être un tant soit peu crédible, il faut savoir de quoi l’on parle. Nous avons tous un avis sur un sujet, seulement parfois, on ne sait pas très bien comment l’expliquer.

C’est en partant de ce constat que Florent et Antoine ont créé leur journal de débats, Le Drenche.

Persuadés que la connaissance permet aux citoyens de participer aux changements de la société, ils offrent aux lecteurs pour chaque sujet d’actualité, un contexte clair ainsi que deux tribunes présentant un “Pour” et un “Contre”.

Le Drenche, c’est quoi exactement ?

Le Drenche, c’est un journal qui repose sur un concept simple. Pour chaque grande question d’actualité, nous offrons au lecteur :
• un contexte simple, factuel, court et précis, pour savoir de quoi on parle.
• deux tribunes d’avis opposés, chacune rédigée par une personne compétente, légitime, et engagée.

Le but est que les lecteurs puissent se forger leur propre opinion !

Aujourd’hui, nous réalisons déjà cet exercice sur internet avec un certain succès : plus de 120 000 lecteurs en une année, et plusieurs élus et grands noms (Eva Joly, Nicolas, Dupont-Aignan, Amnesty International, etc.) sont venus écrire pour nous.

Nous préparons actuellement une version papier, gratuite, distribuée dans les universités pour toucher les étudiants, cible privilégiée de notre journal, et un public fortement en demande de moyens pour se forger une opinion.

Comment vous est venue l’idée de monter Le Drenche ?

Un jour, nous avons lu un sondage sur le gaz de schiste : 85% des Français étaient contre. Mais seulement 14% se sentaient capables d’expliquer ce que c’était.

C’est là que nous nous sommes dit qu’il y avait un vrai problème sur la manière dont les gens se forgeaient une opinion en France. Se crée-t-on un avis uniquement sur des a priori ? Sur des “on-dit” ? Ou parce que l’on est influencée par certaines personnalités médiatiques ?

Nous aurions voulu avoir, pour chaque question d’actualité, une mise en contexte claire pour situer le sujet puis des argumentaires “Pour” et “Contre”. On a cherché partout, sur internet, sur papier… ça n’existait pas. Alors on a décidé de créer le support adéquat !

“Nous pensons que si les gens sont plus éclairés sur l’actualité, qu’on leur présente les arguments des deux côtés à égalité, ils reprendront les affaires publiques et la démocratie en main.”

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Quelle est la philosophie de votre média ?

Notre philosophie est d’aider le lecteur à se forger sa propre opinion grâce à des arguments étayés. Nous ne prenons absolument pas parti pour l’une ou pour l’autre opinion ; on se contente de proposer au lecteur les arguments opposés, en lui laissant le choix de ceux qui lui parlent le plus.

Notre but est d’avoir un impact sur la société. Aujourd’hui, 7 Français sur 10 considèrent que la démocratie ne fonctionne pas très bien. Pourtant, 80% des Français se sentent concernés par les problématiques de société. 89% des Français pensent que les politiques ne se préoccupent pas de l’avis des citoyens, et 7 jeunes européens sur 10 ne se sont pas déplacés aux dernières élections européennes.

Les statistiques de ce genre sont légion. Elles ont toutes un point commun : la démocratie ne va pas bien, et il est urgent de faire quelque chose pour recréer du lien entre les citoyens et la vie publique.

Le Drenche, c’est notre petite pierre à l’édifice. Nous pensons que si les gens sont plus éclairés sur l’actualité, qu’on leur présente les arguments des deux côtés à égalité, ils reprendront les affaires publiques et la démocratie en main. De manière générale, nous croyons que le débat est bon pour notre société et pour la démocratie. Nous pensons que si l’on sait vraiment de quoi l’on parle quand une question se présente, que l’on connaît les avantages et les inconvénients d’une réforme, on votera plus intelligemment. Finalement, nous pensons qu’on a tout à y gagner si un maximum de monde s’intéresse vraiment aux changements de notre société.

Qu’est-ce qui vous distingue des autres médias ?

Aujourd’hui, la presse écrite est détenue par un petit nombre de personnes physiques. Elle est perfusée de subventions, et la plupart des titres sont déficitaires. Leurs détenteurs utilisent souvent une partie de leur fortune pour faire passer leurs idées, pour servir leurs intérêts politiques, industriels…

Avec Le Drenche, nous inversons la logique : ce ne sont plus les propriétaires qui font passer leurs idées, ce sont les lecteurs qui choisissent les idées qui leur plaisent.

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©Ville de Paris

Comment choisissez-vous vos sujets ?

Le lundi, nous passons au crible les dernières nouvelles. Dans l’actualité, certains sujets nous posent question et méritent d’être approfondis. C’est ce genre de sujets que nous choisissons de traiter.

Il y a un critère supplémentaire : il faut qu’on puisse répondre à la question par oui ou non, par pour ou contre. Cela exclut d’emblée les sujets comme “pâtes ou riz”, “slip ou caleçon”, etc. Il est essentiel que ce soient des sujets où, potentiellement, il faudra choisir un jour. “Faut-il envoyer des troupes au sol en Syrie ? » Sur cette question, pas d’entre-deux ; il faut choisir.

Pensez-vous que vos lecteurs peuvent se forger une opinion librement avec des « Pour » et des « Contre » ?
Ne risquent-ils pas d’être influencés par la personnalité interrogée ?

Bien sûr, les lecteurs peuvent être influencés par la personnalité ; mais dans l’ensemble, ce n’est pas cela qui emporte leur opinion. Comme chaque contributeur ne connaît pas les arguments adverses, il est obligé de parler du fond du sujet. Et en 400 mots, on ne peut pas tricher ; les lecteurs sont majoritairement sensibles aux arguments qui sont développés dans les tribunes.

Comment choisissez-vous les personnes légitimes pour répondre à une question d‘actualité ?

C’est la partie la plus difficile de notre travail : il y a un gros travail de recherche. Pour chaque sujet, nous essayons de trouver des personnes qui ont des compétences en la matière : ils travaillent dans le domaine abordé, ils ont écrit un livre sur le sujet, ils militent dans une association, ils ont rédigé la loi sur laquelle nous débattons, etc.

Ensuite, ils doivent être engagés en faveur ou contre le sujet abordé. Enfin, ils doivent être capables de développer une argumentation structurée. Cela réduit beaucoup le nombre de personnes que l’on peut choisir !

Qui sont vos contributeurs ?

Nous avons 3 types de contributeurs, principalement :
• des experts, universitaires, chercheurs ou experts industriels,
• des associations, qui militent pour une cause précise
• des élus, qui expliquent dans leur tribune pourquoi ils proposent un texte, ou prennent une décision.

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©Le Drenche

A qui s’adresse votre journal ?

Notre journal s’adresse à tout le monde, à tous ceux qui veulent se faire une opinion éclairée sur un sujet, quel qu’il soit.

De fait, nous avons remarqué que la majorité de nos lecteurs ont entre 18 et 35 ans et vivent dans de grandes villes. C’est le type de public qui est le plus en recherche d’arguments pour se construire une opinion.

Arrivez-vous à vivre de cette activité ? Avez-vous reçu des aides financières pour vous lancer ?

Nous avons levé une première somme grâce à une campagne de financement participatif sur Kisskissbankbank.

Nous ne vivons pas de cette activité pour le moment – nous avons dû conserver nos emplois à côté, en passant à temps partiel. C’est également pour cette raison que nous lançons une version papier en 2016. Avec les revenus de la publicité dans nos 60 000 exemplaires, nous pourrons basculer à plein temps sur Le Drenche.

Elle ressemble à quoi votre vie de jeunes entrepreneurs ?

C’est à la fois galère et passionnant.

Galère, parce que tout prend 3 fois plus de temps que ce que l’on aurait imaginé, parce que l’on se trompe de temps en temps, que l’on apprend de nos erreurs, que l’on développe nos compétences, nos réseaux…

Mais passionnant en même temps, parce qu’il n’y a rien de plus motivant que de travailler pour une cause qui est importante, et dans laquelle on se sent utile.

“Les Perses disaient que pour tester une idée, il fallait la trouver bonne quand on était sobre, et bonne quand on était saouls !”

Quels sont vos objectifs avec Le Drenche ?

On en a plein !!! Développer une appli mobile, offrir une version papier aux étudiants d’abord, dans les grandes villes de France, puis à tout le monde. On voudrait aussi ouvrir des lieux physiques de débat, animer des discussions télévisées de manière plus audible, constructive et intelligente… Bref, on a plein de projets.

Le but, c’est que dans quelques années, lorsque quelqu’un souhaite se faire une opinion, il sache qu’il peut aller sur Le Drenche et trouver des éléments pour se forger son avis. Un peu comme on va aujourd’hui sur Wikipedia pour trouver une date ou le score de la finale de la coupe du monde 1986 !

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien ?

Aujourd’hui, nous manquons principalement de notoriété ; il est difficile de faire parler de soi dans les médias traditionnels… mais on y travaille.

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Si c’était à refaire, que feriez-vous autrement ?

On éviterait de faire certaines erreurs, on aurait peut-être eu les bonnes idées plus vite… Mais dans l’ensemble, on n’aurait pas fait grand-chose autrement !

Si vous n’aviez pas lancé Le Drenche, qu’auriez-vous fait ?

On aurait certainement créé une autre entreprise, on avait de toute façon envie de se lancer dans ce type d’aventure. Dans tous les cas, nous aurions essayé d’avoir un impact positif sur la société.

Quel(s) conseil(s) pourriez-vous donner à quelqu’un souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Tentez ! Lancez-vous ! Souvent, les gens échouent parce qu’ils n’ont pas essayé. Alors, oui, ça fait peur de se lancer, mais il ne faut pas avoir de regret. Au pire, ça marche… !

Vos « références » médias ?

Edwy Plenel, de Mediapart, Les décodeurs du Monde.fr, … Tous ceux qui cherchent à éclairer, pas à influencer.

Une anecdote ?

Les Perses disaient que pour tester une idée, il fallait la trouver bonne quand on était sobre, et bonne quand on était saouls. C’est plutôt intelligent. Saoul, c’est le côté rêveur, idéaliste et créatif qui sort. Sobre, c’est le côté raisonnable. Une idée qui sait concilier les deux aspects est forcément une bonne idée.

Pour Le Drenche, on a testé pas mal d’idées… !

Un rêve un peu fou ?

Ouvrir un bar pour débattre jour et nuit, ou encore animer un débat pour une élection présidentielle.

Petits, vous rêviez de faire quoi comme métier ?

Florent : je voulais être pilote de formule 1, ou président de la République. Pour le premier, c’est loupé…

Antoine : Footballeur kinésithérapeute. Ça me permettait de concilier plusieurs choses sympas : faire du sport, être connu et aider les autres ! Finalement, j’ai deux pieds gauches et je ne cherche plus du tout la notoriété.

Le Drenche en chiffres

120 000

Lecteurs sur ledrenche.fr en 2015

1500

Personnes indécises qui se sont forgé une opinion sur ledrenche.fr

Site de Le Drenche
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