Laura et Arthur ont fondé leur propre studio de design industriel, Hurlu, à Bordeaux. Parmi leurs créations, Coffin, un cercueil biodégradable pour animaux.

Perdre son animal de compagnie, c’est triste. Très triste. Mais voilà qu’arrivent Laura Iriart et Arthur Trichelieu et leur jolie invention qui panse notre chagrin et fait du bien à la planète : Coffin, un cercueil pour animaux biodégradable permettant de faire pousser un arbre là où se trouve la défunte petite bête. Une idée ingénieuse, qui, comme celle de l’Ozarium de Pierre Osswald, a attisé notre curiosité.

Ce duo au sourire contagieux nous a ouvert les portes de son univers et raconté l’histoire de leur entreprise de A à Z : de la création de leur studio de design industriel HURLU, à l’élaboration de Coffin, en passant par leur parcours et leurs nouveaux projets. Rencontre avec ces deux designers de 25 et 28 ans à l’imagination et à l’énergie débordantes.

Pouvez-vous nous expliquer le concept de Coffin ?

Coffin est un cercueil pour animaux domestiques conçu en cellulose moulée, 100% biodégradable et fabriqué en France. Il est composé d’un contenant pour l’animal, d’un couvercle et de graines placées dans la cavité supérieure du cercueil. Coffin est conçu pour les petits animaux de compagnie de moins de 8kg, du chat jusqu’au petit chien.

Petit à petit, un arbre et des fleurs vont naître et pousser là où l’animal a été enterré. Ce concept poétique et ludique permet de faire plus facilement le deuil de son animal de compagnie en l’appréhendant comme le début d’une nouvelle vie.

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Au départ, nous avons conçu Coffin pour les enfants afin d’adoucir leur chagrin lors de la perte d’un animal. C’est en général leur première confrontation à la mort et nous souhaitions donner un côté pédagogique à ce moment douloureux ; celui de la vie après la mort. Nous voulons leur montrer que voir un arbre grandir là où leur animal a été enterré est un cycle naturel, immuable.

Cependant nous remarquons maintenant que Coffin n’est pas uniquement destiné aux enfants, mais à tout propriétaire d’animaux, sensible à l’écologie et au côté poétique du produit. Coffin représente une idée répondant à un besoin de façon poétique, sans fioriture esthétique tout en s’inscrivant dans une démarche écologique respectueuse de l’environnement. Un objet utilisable par tous. C’est un produit simple, mais qui nous a demandé plus de deux ans de travail, beaucoup de temps et d’énergie et nous sommes fiers d’y être arrivés aujourd’hui !

Comment vous est venue l’idée de créer Coffin ?

Enfant, Arthur a perdu son chien. Son père l’a enterré dans le jardin, et plutôt que d’y mettre une croix, il a choisi d’y planter un romarin.

Arthur s’est souvenu de ce moment et il a imaginé Coffin. En 2013, nous avons étudié et développé ce produit afin de l’adapter aux contraintes industrielles tout en s’inscrivant dans une démarche écologique.

“Nous avons choisi de faire du design accessible à tous. Un design non élitiste avec des créations à des prix raisonnables”.

Quand et comment est né Coffin ?

Lors de notre association en 2012 et la création de notre site internet, nous avons mis en ligne tous nos projets. Beaucoup d’entre eux étaient à l’étape de concept, en 3D principalement. Nous avons senti un fort engouement pour Coffin. Des particuliers nous contactaient pour se le procurer, des professionnels nous envoyaient leurs encouragements, des sites et des magazines consacrés aux animaux et à l’écologie en parlaient.

Nous nous sommes demandé comment réaliser Coffin, avec quels financements, quels canaux de distribution, etc.

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Arrivez-vous à vivre de cette activité ?

Pas encore, mais on y travaille ! Nous avons choisi de faire du design accessible à tous, c’est-à-dire un design non élitiste avec des créations à des prix raisonnables. Nous margeons peu sur nos produits et préférons en vendre beaucoup à bas prix plutôt que peu à des prix trop élevés.

Nous pensons que le design a bien souvent une image élitiste, alors qu’il est autour de nous constamment et que même des pièces conçues en France doivent pouvoir être à la portée de tous. C’est pourquoi notre activité mettra un peu de temps avant de nous faire vivre, mais c’est un parti-pris, un challenge !

En plus d’HURLU nous enseignons dans une école de design à Bordeaux. Nous dirigeons l’atelier design produit pour les étudiants en bachelor. C’est une expérience extrêmement enrichissante et stimulante.

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Quelles sont les valeurs que vous souhaitez défendre à travers Coffin ?

À travers Coffin, nous souhaitons mettre en avant la logique d’une fabrication française. Les boites en cellulose sont fabriquées à Castelsarrasin, près de Toulouse. Les étiquettes, conçues à partir de fibres de pin des Landes sont conçues à Poitiers et les graines d’arbres et de fleurs proviennent du Puy-en-Velay en Auvergne. Fabriquer en France est devenue une logique au sein de notre entreprise. Il existe une diversité de fabricants sur notre territoire qui nous permet de concevoir tous nos produits sans aller chercher les mêmes compétences à l’autre bout de la planète.

Coffin, c’est aussi l’idée d’un cycle et d’une seconde vie. Ce cercueil est recyclé à partir de vieux journaux. L’arbre permet de fabriquer du papier, qui est transformé en Coffin et qui redonnera naissance à un arbre. C’est un vrai cycle écologique.

Nous nous efforçons de réfléchir à de nouveaux moyens de concevoir les produits. Recycler la matière en est un, comme avec nos lampes de la gamme BEC, produits recyclés à partir de rebuts de bois d’une caisserie en Gironde.

“Sortis des études, nous avions des idées plein la tête et l’envie de les faire vivre”.

Qui fait quoi au sein du studio Hurlu Design ?

Concernant les projets, nous travaillons ensemble sur la phase d’analyse et l’étude de marché. Nous mettons nos recherches en commun afin d’avoir une vue d’ensemble sur l’environnement du produit que nous allons créer. Après cette phase d’analyse (l’étape fondatrice d’un projet) nous en ressortons des problématiques (“Comment empêcher le café de refroidir ?” “Comment simplifier l’utilisation d’un outil ?”, etc.) Ensuite vient la phase créative. Nous organisons des séances de créa en essayant de collecter un maximum d’idées par axes prédéfinis.

Quand à la suite du projet, Arthur s’occupe davantage de la partie technique : modélisation de l’objet en 3D, esthétique, techniques de fabrication, procédé industriel. Il se charge de rendre les produits et concepts réalistes et attirants visuellement. Laura s’occupe davantage de la partie communication, logo, développement, commercialisation du produit et promotion du travail global. C’est notre complémentarité qui fait notre force.

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Qu’est-ce que ce projet vous apporte ?

Au départ, nous étions deux créatifs tout juste sortis des études et sans trop de connaissances en commerce, marketing, vente, ou économie. Nous avions des idées plein la tête et l’envie de les faire vivre, de les rendre accessibles au plus grand nombre. Nous avons du comprendre la relation fabricant-concepteur-vendeur-client et nous commençons à maîtriser tous ces liens que nous tissons chaque jour.

Le designer est bien souvent dans une agence, il crée, invente et imagine des produits. Chez nous, cela représente 10 % du travail. Ce qui reste, c’est le développement de l’idée : comment et où faire fabriquer le produit ? Combien le vendre ? À qui ? Où ? Comment le faire connaître ? Nous maîtrisons tout, de l’idée sur le papier à la vente aux clients. C’est un lourd travail, mais nous aimons à la fois cette maîtrise et le fait de faire vivre un objet. Nous nous sommes aussi découvert des compétences que nous ne pensions pas avoir !

“Faire vivre et nourrir chaque jour son entreprise est un défi et une motivation quotidienne !”

Pour vous, qu’est-ce qui vous semble le plus difficile en tant que jeunes entrepreneurs ?

Pour un jeune designer, le plus dur est de faire vivre ses idées. En effet, une grande partie de notre travail est de trouver des solutions pour que nos produits soient fabriqués et commercialisés. Nous passons le plus souvent par l’auto-édition. C’est très enrichissant et très instructif, mais nous ne pouvons le faire pour chaque produit !

Nous avons réussi à faire vivre Coffin et les lampes de la gamme BEC, mais nous manquons de temps, de moyens et de connaissances pour le faire pour tous nos produits. Sur notre site, beaucoup de projets sont à l’étape de concept et la partie créative que nous pourrions effectuer sur de nouveaux produits est souvent sacrifiée au profit du développement des produits existants. Il faut que nous nous fassions connaître sur ce marché afin d’avoir davantage de clients et nouer des relations avec des éditeurs de design.

La difficulté en tant que jeune entrepreneur est également d’être crédible. Nous manquons d’expérience et il est parfois difficile de ne pas le faire sentir ! En revanche, le fait de se lancer et d’être assez jeune nous rend peut être plus dynamiques et plus persévérants. Les clients apprécient en général ces qualités.

Il faut croire en soi, mais aussi savoir se remettre en question afin d’avancer efficacement.

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Comment avez-vous réussi financièrement à monter ce projet ?

Le projet Coffin nous a poussés à créer notre société en 2014. Ce projet a suscité beaucoup de travail et un investissement conséquent. Pour nous aider dans sa mise en place, nous avons eu un accompagnement de la part de la CCI de Bordeaux suite au Concours “Speed Test Entrepreneur” (qui permet à des porteurs de projets de présenter leur idée devant plusieurs chefs d’entreprises). Cet accompagnement a été un vrai coup de pouce, car nous avons pu avoir des soutiens économiques pour notre projet. Sans les intervenants de la CCI nous n’en serions pas là aujourd’hui !

En 2013, nous avons également réalisé une campagne de financement sur Ulule, la plateforme de financement participatif. Ce financement communautaire rassemble des individus pour un projet humain, une expérience collective. Nous avons ainsi fait appel à la générosité de chacun pour concrétiser ce projet qui s’inscrit dans une économie collaborative, une expérience de capital social partagé.

D’autre part, la Banque Pour l’Innovation nous a accordé une bourse de 8000 euros et la fondation Jeunes du Crédit Agricole a soutenu le projet à hauteur de 3000 euros. Ce sont toutes ces aides qui ont permis à Coffin de voir le jour.

Un autre intervenant nous a permis de lancer les lampes de la gamme BEC (premier projet réalisé chez HURLU), l’Atelier d’éco solidaire (ADS), une association basée à Bordeaux que nous avons intégré en 2013. Cette association permet à de jeunes designers de concevoir leurs idées avec de la matière au rebut.

Nous avons constaté que les rebuts récurrents étaient des planches en bois, récupérées au sein de la société ADAM en Gironde. Cette société, dans une démarche durable, donne à l’Atelier d’éco solidaire les planches ne pouvant être utilisées dans la fabrication de caisses à vin.

Nous avons donc dessiné une première lampe que nous avons fabriquée et vendue au sein de l’Atelier, dans leur showroom. L’Atelier d’éco solidaire permet de créer ce lien entre designers – matière – fabricant. Grâce à l’Atelier, nous avons pu tester nos idées, accéder à des machines et des matériaux et développer toute une gamme de produits en bois recyclé, commercialisée actuellement dans 6 villes en France et sur Internet.

Dorénavant, la gamme BEC est fabriquée par un menuisier en Gironde et comprend une lampe sur pied, une baladeuse, un plateau et un porte-cartes. Les quantités de rebuts de bois étant encore peu exploitées, nous tendons à élargir cette gamme. Celle-ci ne serait peut-être pas née sans l’Atelier, nous leur reversons donc 3? pour chaque lampe vendue.

“Des aides existent pour se lancer, il suffit juste de bien les chercher”.

Avez-vous collaboré avec d’autres personnes pour créer Coffin ?

Le projet Coffin a reçu un grand soutien de la part de particuliers et professionnels. Des professionnels du secteur animalier nous ont soutenus ainsi que notre entourage plus ou moins proche. La CCI de Bordeaux nous a été d’une grande aide, car elle nous a aidés à chiffrer notre business plan lors de réunions quasi hebdomadaires.

Nous avons également réussi une belle collaboration avec notre fabricant de cellulose en réfléchissant ensemble, durant des mois, à la mise en forme de Coffin afin que celui-ci soit réalisable et qu’il corresponde à nos attentes. Le graphisme de Coffin a été réalisé par Océane Combeau et le site Internet par JIDE.

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Pour vous, est-ce simple de créer son entreprise aujourd’hui en France ?

Je ne dirais pas que c’est simple, mais ce n’est pas non plus si compliqué. Des aides existent pour se lancer, il suffit juste de bien les chercher, car elles ne viendront pas à vous toutes seules !

Quels conseils donneriez-vous à des personnes souhaitant se lancer dans entrepreneuriat ?

Si vous avez de l’ambition, de la détermination, du dynamisme, de l’optimisme et un projet dans lequel vous et les autres croyez, foncez !

Aujourd’hui, quel est le bilan de cette aventure ?

Cela fait trois mois que Coffin est lancé, il est difficile de faire un bilan. Mais les commandes ne cessent d’augmenter, tout comme les points de distribution. Cependant, nous devons encore faire des efforts en matière de communication afin que Coffin soit connu auprès d’un plus grand nombre de propriétaires d’animaux.

La problématique de ce produit c’est que, bien souvent, les gens n’anticipent pas l’achat d’un cercueil. Coffin est un produit que l’on se procure au moment du décès. Les propriétaires doivent donc connaître son existence avant le décès de l’animal. C’est pourquoi nous avons choisi de le distribuer sur Internet, avec une expédition sous 48h (bientôt 24h) ainsi que chez les vétérinaires.

Quels sont vos projets avec Coffin’

À l’avenir, nous souhaiterions développer les tailles des Coffins afin qu’ils s’adaptent à chaque animal. Nous développerons également une urne, pour les animaux incinérés, par exemple ceux de plus de 40kg ne pouvant être enterrés. Nous souhaiterions également vendre Coffin à l’international, mais pour cela, il faudra réfléchir aux types de graines selon les climats. Affaire à suivre !

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Qu’est-ce qui vous motive?

Faire vivre et nourrir chaque jour son entreprise est un défi et une motivation quotidienne ! Travailler pour soi est un challenge, mais y arriver est un vrai bonheur. Nous avons tous les deux le goût de l’entrepreneuriat, nous apprenons chaque jour de nos réussites comme de nos erreurs.

Une entreprise, c’est un peu comme une graine : une fois qu’elle est plantée, il faut qu’elle germe, qu’elle éclose, qu’elle grandisse pour atteindre la taille adulte qui lui permettra de vivre en quasi-autonomie !

Quelles sont les dates clés qui ont marqué l’histoire de Coffin ?

• 2009 : naissance de l’idée.

 Novembre 2013 : la Fondation Jeunes du Crédit Agricole récompensant les IDD (Initiatives développement durable) accorde une bourse à Coffin.

 Décembre 2013 : fin d’une campagne de financement par les internautes sur Ulule. 87 contributeurs se mobilisent et donnent vie à Coffin.

 Mars 2014 : le projet Coffin est lauréat du Speed Test Entrepreneur de la Chambre de Commerce de Bordeaux et bénéficie de son soutien en développement pour mener le projet à terme.

 Novembre 2014 : la Banque pour l’Innovation accorde une bourse et se portera caution d’un prêt bancaire pour le projet.

Avril 2015 : production des Coffins en série.

 Mai 2015 : commercialisation de Coffin sur internet et chez les vétérinaires.

Les moments de réussite ont été principalement financiers. Avoir le soutien d’organismes, d’entreprises et de banques ont été un réel soulagement, mais également un gage de crédibilité pour Coffin. Les coups durs ont plutôt été côté fabrication, où il fallait sans cesse revoir la forme et la matière. En effet, la cellulose sert normalement exclusivement à concevoir des contenants alimentaires comme des boites à oeufs.

Petits, vous rêviez de faire quoi comme métier?

Arthur rêvait d’être inventeur et Laura architecte !

Un rêve un peu fou’

Adapter Coffin pour les humains !

Coffin en chiffres

3 ans
De développement
3
Partenaires fabricants sur le territoire
3
Soutiens financiers sur le territoire
12
Vétérinaires partenaires

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