Rencontre avec Amar Chardou, 25 ans, professeur de danse hip-hop passionné et créateur de l’Immigrandz Crew.

La danse comme thérapie. C’est comme cela qu’Amar Chardou envisage le hip-hop, cette passion qui est née lorsqu’il avait 10 ans.

Aujourd’hui, Amar a 25 ans. Après une première expérience réussie dans la vente – mais sans saveur, et un cursus avorté à l’école de gendarmerie, Amar décide de réaliser son rêve de gosse, être professeur de hip-hop.

Vivre de la danse, vivre pour la danse : Amar plaque tout et de battle en battle, commence à se faire un nom.

Alors qu’Amar est actuellement en train de monter sa propre compagnie de danse, on a voulu en savoir plus sur l’histoire de ce passionné, fondateur de l’Immigrandz crew. Amar retrace son parcours, nous explique ses motivations, sa vision presque philosophique de la danse, tout en évoquant ses projets.

Qui es-tu Amar ?

Bonjour ! Je m’appelle Amar Chardou, j’ai 25 ans, je suis né en France et je suis d’origine algérienne. Actuellement, je vis en Dordogne (24) tout près de la ville de Périgueux. Je fais de la danse depuis une quinzaine d’années.

Quel a été ton parcours avant de faire de la danse ton métier ?

Je me suis longtemps cherché. Après mes études, j’avais commencé l’école de la gendarmerie, mais cela n’a pas duré. J’ai passé mon chemin, car je n’avais plus de temps à consacrer à ma famille et à ma passion pour la danse.

J’ai ensuite beaucoup travaillé en intérim : c’était le pied d’avoir du temps pour pouvoir m’entraîner ! J’ai ensuite été téléprospecteur pour une entreprise d’isolation. Je croyais avoir trouvé ma place, j’obtenais des rendez-vous à tout va, je me sentais bon. J’étais capable de vendre un produit dont les prospects n’avaient nullement besoin. Mais, dans le fond, cela ne me plaisait pas vraiment. Après 10 mois de CDI, j’ai dû faire face à un licenciement économique.

Après ça, je devenais assistant commercial dans une autre boite spécialisée dans l’isolation, le chauffage, etc. Ça a duré 2 mois, puis j’ai saturé, car j’ai compris qu’il fallait que je fasse autre chose que de la vente. Voyant mon rêve de danseur s’éloigner, j’ai décidé de m’y consacrer à nouveau entièrement pour pouvoir en vivre.

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© DR

Depuis combien de temps pratiques-tu le hip-hop ? Comment la passion pour la danse est-elle née ?

J’ai commencé en 2002. Je m’en souviens comme si c’était hier…

Avec mon meilleur ami avec qui je trainais tout le temps et avec qui j’avais une connexion de folie (on nous appelait « les inséparables »), on avait déjà vu quelques gars danser sur VHS.

Un jour, j’ai demandé à mes parents un DVD breakdance : je voulais apprendre ce truc-là, mais je n’avais pas trop idée de ce que c’était. J’ai trouvé un DVD qui s’appelait « Le Défi ». Ça a été mythique, inoubliable. J’essayais tout ce que je voyais dans ce DVD ! Je savais que j’avais trouvé mon truc !

Quel est ton premier souvenir avec la danse hip-hop ?

Très bonne question, je dirai le jour où j’ai rencontré un certain Gilles qu’on appelait « Gilou ». Il était à la tête d’une association, Viva Cité, et il nous a obtenu notre première salle pour s’entraîner. Gilou s’est vraiment bougé pour nous, car il voulait que l’on monte avec lui quelque chose de concret. Il croyait en nous.

“Ce qui est bien dans la danse, c’est qu’il n’y a ni couleur, ni religion. Juste des danseurs, des frères, des passionnés.”

Tu es le fondateur d’Immigrandz Crew, peux-tu nous en dire plus sur l’histoire de ce crew et ce qu’il en est aujourd’hui ? Pourquoi avoir créé un crew d’ailleurs ?

En 2005, j’ai fondé « Digimon crew » avec plusieurs gars. C’était un clin d’œil au groupe « Pockémon crew », qui pour moi, reste le crew qui a marqué la fin des années 2000 en France. Deux membres du crew, Lilou et Rodolphe, étaient venus pour juger une battle qu’on avait organisée chez nous. Ils m’ont boosté comme personne n’a su le faire.

On a fondé Immigrandz en février 2006 avec d’autres personnes. Entraînement après entraînement, battle après battle, on s’est fait remarquer, on a su marquer les esprits. Ce qui nous différencie, c’est cet esprit de famille comme si nous étions des frères de la street. On a tous vécu des coups durs dans la vie et il suffit que l’on se croise du regard pour que l’on se comprenne.

Immigrandz, c’est notre identité, notre livre à nous. Via la danse, on véhicule un message : alors que depuis longtemps, l’immigration est un thème qui revient souvent dans les médias, dans la politique, etc., nous voulons montrer que main dans la main, nous sommes plus forts. Pour nous, le mélange des cultures et des origines est une force. Ce qui est bien dans la danse, c’est qu’il n’y a ni couleur, ni religion. Juste des danseurs, des frères, des passionnés.

Avec Immigrandz, on a commencé à gagner pas mal de battles à l’échelle nationale. Et depuis plus de 4 ans, nous sommes invités à des battles à l’étranger. Aujourd’hui Immigrandz compte 22 membres (Stan, Naasty, Medhi, Kamel, Aristide, Hocine, Arthur, Kenny, Kenzo, Mathieu, Arsène, Ange, Minzy, Hamou, Erwan, Vegeta, Hassan, Priska, Nassir (photographe), Dj Kris, Timon, Benoit).

En fait, la danse m’a libérée. Elle m’a appris à partager, à respecter, à donner sans attendre en retour, à aimer… Bref, une vraie thérapie. Voilà pourquoi j’ai créé ce groupe, car ce que je vis avec mes frères est unique. C’est ma seconde famille.

Ta vie d’entrepreneur, tu la vis comment ?

Je trouve ça cool d’avoir cette liberté de choisir qui on veut vraiment être. Pour rien au monde je ne me plaindrai de ma situation : je fais ce que j’aime, donc c’est top !

“Voir des élèves que l’on entraîne depuis plusieurs années grandir, évoluer dans la danse comme dans la vie, c’est juste beau.”

Est-il difficile de se faire une place, un nom dans ce milieu ? Comment fait-on ?

Se faire une place peut être difficile pour certains, facile pour d’autres. En l’occurrence, quand j’ai commencé à me faire un nom, c’était à Périgueux … et la concurrence n’y est pas vraiment rude ! Cela a donc été facile pour moi.

Il faut surtout être différent et marquer les esprits, encore et encore. Les gens sont fans de ça : on est vite recommandé, on peut se développer très vite si on veut.

Avec un peu de recul, que t’apporte cette activité ?

Du bonheur au quotidien. Voir des élèves que l’on entraîne depuis plusieurs années grandir, évoluer dans la danse comme dans la vie, c’est juste beau. J’ai toujours aimé partager mon savoir-faire avec des gens qui veulent apprendre. Cela implique que tu dois leur donner toute la force nécessaire pour réussir. Devoir répéter sans cesse, conseiller, motiver, dans le but que chacun réussisse, c’est génial.

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© Hugo Marin / Fragment Prod

Si tu n’avais pas été danseur pro, qu’aurais-tu fait ?

Je ne sais pas, peintre ? Architecte ? Designer ? … Je t’avoue que c’est dur de répondre. J’ai tout de même imaginé ma vie sans la danse. C’était monotone fade et triste !

Y a-t-il une rencontre en particulier qui t’a marquée dans ton parcours ?

Je dirais Gilles Bouny, de l’association Viva Cité, qui m’a beaucoup aidé. Mais il y a aussi tous les membres de mon groupe qui m’ont marqué à vie !

À part ton talent, comment entretiens-tu ta notoriété ? Quels outils utilises-tu (réseaux sociaux, web, etc.)

Elle s’entretient sur la durée, grâce aux retours de ceux à qui je donne des cours, mais aussi grâce aux associations, aux écoles de danse, etc. Je donne beaucoup de stages, ce qui est un bon moyen pour se faire connaître. Je fais aussi des vidéos qui ont une audience assez importante. J’utilise beaucoup Facebook et Instagram.

Es-tu seul à gérer ton activité ou y a-t-il des personnes qui t’aident ?

Je me gère seul. La paperasse est assez légère en tant qu’autoentrepreneur. Mais j’ai également fondé une association, IMGZ School, et une amie m’aide à gérer l’administratif.

“La seule limite qui existe, c’est celle que nous nous fixons !”

Vois-tu des limites quelconques à ton activité ? Imagines-tu un jour te reconvertir ?

Je dis souvent cette phrase à mes élèves : « la seule limite qui existe, c’est toi ».
C’est à chacun de fixer ses propres règles pour réussir. Il faut apprendre à provoquer ses chances.

Mais je pense à cette question de reconversion, bien sûr. Je ne compte pas rester professeur de danse toute ma vie, ça risque d’être dur d’ici déjà 10-15 ans. Je pense que ma reconversion se fera bien plus tôt. Pourquoi ne pas ouvrir mon école de danse, par exemple ? J’ai aussi créé ma propre marque de vêtements depuis peu, mais j’en suis encore à la phase de tests.

En matière de danse, quelles sont tes influences, inspirations ?

Mon groupe : c’est ça mon influence. Côté inspiration, je dirai ma famille, mes origines, mon caractère.

Ton plus beau souvenir ?

Quand mes parents m’ont dit « on est fier de toi mon fils ».

Le mot de la fin ?

Pendant que tu rêves ta vie, d’autre vivent leurs rêves ! Alors, fonce, vis ta vie et n’attends rien de personne. On est la solution au problème. On est le futur. On est la clé de la réussite. La seule limite qui existe, c’est celle que nous nous fixons !